Une nouvelle identité pour une ambition renouvelée
En janvier 2025, le Bureau international de l’édition française (BIEF) change de nom et devient France Livre, une transformation symbolique qui marque une volonté de modernisation et de clarification de son rôle. Créé en 1879 puis refondé après la Seconde Guerre mondiale, le BIEF avait pour mission d’accompagner l’édition française à l’international. Mais pour beaucoup d’acteurs du secteur, son acronyme restait opaque et sa communication, trop institutionnelle. Avec ce rebranding, l’établissement public sous tutelle du ministère de la Culture entend renforcer sa visibilité et sa lisibilité. « Il s’agissait de rendre notre action plus compréhensible à l’étranger comme en France », explique Françoise Dubois, directrice générale de France Livre. Le nouveau nom se veut à la fois plus direct et plus ambitieux, en phase avec les grands enjeux du secteur éditorial contemporain.
Une stratégie d’influence littéraire à l’international
France Livre ne se contente pas de changer de nom : l’établissement affirme une politique de diplomatie culturelle offensive, tournée vers les marchés émergents et les zones où la littérature francophone peine encore à se faire une place. L’objectif affiché est de faire rayonner la production française dans toute sa diversité, des grands groupes aux petites maisons indépendantes. « Nous devons affirmer que la littérature française est multiple, qu’elle vient de Paris, de Dakar, de Montréal ou de Beyrouth », souligne le président du Centre national du livre, Laurent Rivoire. France Livre s’engage ainsi à multiplier les participations aux foires du livre mondiales, à financer la traduction d’auteurs francophones peu connus à l’international, et à renforcer les partenariats avec les réseaux de librairies francophones. Une politique plus inclusive, donc, mais aussi plus offensive sur le plan géopolitique.

Des outils numériques pour un écosystème modernisé
L’une des grandes nouveautés du rebranding réside dans le développement d’une plateforme numérique centralisée, destinée aux éditeurs, traducteurs et agents littéraires. Baptisée France Livre Connect, cette interface permettra de partager des catalogues, des droits de traduction disponibles, des opportunités de résidence ou de bourses, dans une logique de fluidification des échanges. « L’objectif est de rendre l’écosystème plus agile, plus ouvert et moins cloisonné », explique Nathalie Szerman, chargée de mission numérique. La plateforme sera également un outil de veille sur les marchés étrangers, avec des rapports stratégiques mis à disposition de tous les professionnels. En facilitant l’accès à l’information, France Livre veut accompagner une génération d’éditeurs plus mobiles, multilingues et connectés.
Une attention particulière aux indépendants et aux minorités
Dans un contexte de concentration croissante de l’édition, France Livre affiche sa volonté de soutenir les éditeurs indépendants et les voix minoritaires. Cela passe par la création de fonds spécifiques de soutien à la traduction pour les œuvres peu visibles sur le marché global, ainsi que par la valorisation des littératures ultramarines, africaines francophones, ou issues de la diversité hexagonale. « Nous voulons être une caisse de résonance pour des écritures souvent oubliées ou marginalisées », explique Françoise Dubois. Des campagnes de promotion ciblées seront organisées à l’étranger pour mettre en avant cette pluralité. Le rebranding n’est donc pas seulement cosmétique : il s’accompagne d’un repositionnement éthique, qui entend refléter la richesse réelle du paysage littéraire français.
Une image repensée, entre sobriété et efficacité
Le logo de France Livre, dévoilé en même temps que le nouveau nom, opte pour une esthétique sobre et contemporaine : deux lignes qui s’ouvrent comme un livre ou un pont, selon les interprétations, accompagnées d’un lettrage sans empattement aux couleurs bleu nuit et cuivre. Le slogan « Partager les mots du monde » résume bien la vocation du nouvel organisme. Cette identité graphique, pensée par le studio de design Typologies, vise à rompre avec l’aspect institutionnel trop figé de l’ancienne image du BIEF. Elle doit aussi s’adresser à un public plus jeune, notamment les professionnels de moins de 40 ans qui constituent l’avenir du secteur. L’ensemble du site web, des brochures et des supports de communication a été repensé pour gagner en clarté et en attractivité.
Réception du secteur : prudence mais optimisme
Dans les milieux éditoriaux, le changement est globalement bien accueilli, même si certains redoutent un effet d’annonce sans réel impact structurel. « Un nom ne fait pas une politique, mais cela peut marquer un tournant s’il est accompagné d’actes forts », estime Hugo Rameau, directeur des éditions Chemin de Fer. Les syndicats professionnels saluent la mise en avant des indépendants, tandis que plusieurs traducteurs interrogés se disent optimistes quant à la création de nouveaux dispositifs de soutien. L’internationalisation de la littérature française reste un chantier complexe, mais le rebranding du BIEF en France Livre semble redonner une dynamique à un secteur en mutation rapide. Comme le résume l’éditrice Yasmine Belkacem : « Si la France veut encore compter dans la géopolitique du livre, elle doit parler d’une seule voix — et surtout écouter celles qu’on n’entend pas. »
