Menace sur la frégate L’Hermione

L’Hermione en cale sèche : un symbole de liberté à l’arrêt

La frégate L’Hermione, réplique du navire qui emmena La Fayette soutenir les insurgés américains en 1780, traverse une crise majeure. Depuis 2021, elle est immobilisée à Anglet dans le port de Bayonne pour des travaux de restauration urgents. Lors d’une inspection technique, des champignons xylophages ont été découverts dans sa coque en bois, mettant en péril l’intégrité même du navire. À l’arrêt depuis des mois, le chantier risque de ne jamais redémarrer si les fonds nécessaires ne sont pas réunis. « L’Hermione est bien plus qu’un bateau, c’est une ambassadrice de l’histoire franco-américaine », affirme Hélène Richard-Favre, présidente de l’Association Hermione-La Fayette. À l’aube de 2026, qui marquera le 250e anniversaire de l’indépendance des États-Unis, cette menace sonne comme un signal d’alarme pour le patrimoine maritime français.

Une restauration interrompue pour raisons financières

L’un des défis majeurs auxquels fait face l’Hermione est le financement de sa rénovation. Le coût des réparations a été estimé à 10 millions d’euros, mais seulement un peu plus de la moitié a été rassemblée à ce jour. Faute de budget complet, les entreprises chargées des travaux ont dû interrompre le chantier. Cette pause technique fragilise davantage la structure déjà endommagée de la frégate. L’Association Hermione-La Fayette a lancé une nouvelle campagne d’appel aux dons, espérant attirer mécènes, institutions et donateurs individuels. « Nous avons besoin d’un sursaut de solidarité, ou L’Hermione ne reprendra jamais la mer », alerte le directeur des chantiers. Ce manque de financement est d’autant plus alarmant que chaque mois passé à l’arrêt accroît les risques de dégradation.

Une mobilisation internationale encore timide

Alors que L’Hermione incarne les liens historiques entre la France et les États-Unis, peu de soutien officiel a, pour l’instant, émané du côté américain. Pourtant, lors de ses précédents voyages outre-Atlantique, la frégate avait suscité un fort engouement, notamment à Boston et à New York. Certains élus français espèrent que ce symbole transatlantique pourra bénéficier d’un appui international, à commencer par des dons privés américains. « Ce bateau est une passerelle vivante entre nos deux nations », rappelait en 2015 John Kerry, ancien secrétaire d’État américain, lors de l’accueil de L’Hermione à Washington. Pour l’heure, la collecte de fonds reste majoritairement française, et peine à répondre à l’urgence. Sans soutien élargi, l’un des plus beaux projets patrimoniaux européens pourrait se retrouver sans issue.

Un patrimoine vivant menacé d’abandon

Ce qui distingue L’Hermione d’un simple musée flottant, c’est son statut de navire naviguant, avec un équipage composé de professionnels et de bénévoles formés à la navigation traditionnelle. Chaque sortie en mer mobilise des dizaines de personnes, perpétuant ainsi des savoir-faire anciens. Mais sans réparation complète, le navire pourrait être condamné à rester à quai définitivement, perdant ainsi sa vocation de patrimoine vivant. « L’Hermione, c’est un projet collectif, humain, qui donne vie à l’histoire à chaque traversée », insiste Jeanne, ancienne gabière de 22 ans. Réduire le navire à une simple attraction touristique à quai serait perçu comme un échec du modèle de transmission vivante que le projet portait fièrement depuis sa mise à l’eau en 2012.

Un signal d’alerte pour la préservation maritime

La situation de L’Hermione met aussi en lumière les fragilités de la filière de la conservation navale en France. Entre dépendance aux dons, manque de financements publics stables et complexité des travaux d’entretien sur bois, de nombreux bateaux classés sont confrontés à des défis similaires. La frégate devient ainsi le porte-drapeau d’une cause plus vaste : celle du patrimoine maritime en danger. « Entretenir un navire en bois, c’est un engagement permanent, pas un événement ponctuel », martèle le charpentier naval Michel Monteil. La question posée est donc celle du modèle de financement et de gouvernance de ces projets emblématiques. L’État pourrait-il davantage intervenir ? Un fond patrimonial maritime spécifique est-il envisageable ? Autant d’enjeux soulevés par cette crise.

Sauver L’Hermione : un appel au sursaut collectif

Plus qu’un simple appel à l’aide, la mobilisation autour de L’Hermione est un cri du cœur pour préserver un symbole d’engagement, de liberté et de coopération entre peuples. Elle rappelle que le patrimoine n’est pas un luxe du passé, mais une responsabilité pour l’avenir. La frégate ne pourra retourner en mer qu’à condition d’une mobilisation rapide, concertée et massive. « Si chaque citoyen donnait ne serait-ce que 10 euros, le navire repartirait », souligne un membre de l’équipage. À l’approche de grandes commémorations historiques et dans un contexte de reconquête de l’histoire partagée, sauver L’Hermione serait un acte fort, une manière de faire vivre le récit de La Fayette et de l’amitié franco-américaine, bien au-delà des manuels scolaires.

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